— Kola NPP
— VVER
440/230 —
Centrale
anatomique
De ses membres et de son centre partent des méandres. Partout, les hommes ont tiré des câbles, par dix raccordés, en grosses gaines, rubans de réglisse noirs le long de ses couloirs. Sur les équerres aiguës frôlant le plafond, écheveaux électriques, blocs-tensions, convertisseurs, phases qui la ceinturent, qui transpercent ses murs, franchissent armoires et relais, passent le béton. Son alimentation et son réseau nerveux, ces câbles. Nerveux, son réseau. À cela superposé, son système sanguin. Les veines extractrices qui délestent son cœur enflammé de ses trop hautes chaleurs. Au départ de tout, modérateur et consolant, son écrin liquide, pressurisé en bain de béton : le tourbillon d’eau fraîche — d’eau fraîche mais captive — qui entoure chacune de ses quatre fournaises d’enfer pour l’hydrater, l’apaiser, la soigner, l’adoucir. La ramener au seuil technique des températures raisonnables. Protéger sa fission.
Puis des pompes s’activent. Pour expulser, expectorer le liquide supposé contaminé maintenant, également malade, à son tour suspect de haute thermie. Des valves s’ouvrent sur les gouffres noirs de canalisations verticales. D’insondables trous, circuits secondaires détendeurs. Sans choix, l’eau bouillonnante s’y précipite ; parcourt, cinétique, coudes et couloirs, turbines hurlantes, à fond de vitesse. Siffle sur son passage, menaçante. Provoque parfois çà ou là, sous l’humeur de l’instant ou d’une vanne moins serrée, un jet de vapeur colérique, immédiatement contenu. À toute force s’engouffre. Cherche fuite. Dans chaque nouvelle conduite trouve chemin, sans souffle, sans repos. Dans chaque nouvelle bifurcation, chaque confluent de boyau. Toujours grossissante, se rassemblant, venue de toutes ses hauteurs, l’eau surchargée accourt vers dehors.
Dehors.
Dehors, quatre gueules béantes, bouches grillagées. Quatre conduites géantes grises coudées, tête vers le sol, vomissent dans un brouillard de vapeur surexcitée effrayant leur eau brûlante à l’extérieur. Vers le lac. Dans le lac — ici artificiellement réaménagé, bétonné, agencé en bassin de rétention.
La lac glacé fumant brutalement réchauffé et qui se nomme Imandra.
Outside four gaping mouths, barred mouths. Four giant grey pipes, bending their heads to the ground, throw up their burning water, in a dreadful fog of overexcited steam. Outside. Towards the lake. Into the lake — here artificially restructured, covered in concrete, converted into a cooling pond.
The smoking frozen lake, suddenly heated up which is called Imandra.
From its limbs and centre, it’s all twists and turns. Everywhere men have drawn cables, in bundles of ten, inside big sheaths, like long strips of liquorice along its corridors. On the acute brackets just below the ceiling, entangled wires, voltage blocks, converters, phases around it, through its walls, across cabinets and relays, through concrete. These cables are its supply and its nervous network. Quite nervous, its network.
On top of this, its blood system. The arteries extracting from its burning heart the burden of its extreme heat. At the start of everything, to temper and comfort, its liquid case pressurized in a bath of concrete: the whirling fresh water — fresh but captive water — surrounding each of its four infernal furnaces to moisturise, soothe, heal and soften. To bring it back to the technical threshold for acceptable temperatures. To protect its fission.
Then pumps go into action. To expel, cough up the now supposedly contaminated liquid, diseased as well, in his turn suspected of high temperature. Valves open onto the black chasms of vertical pipes. Unfathomable pits, pressure regulating secondary circuits. No other choice for the seething water but to rush into them; it kinetically travels along bends and corridors, wailing turbines, at full speed. Hissing as it passes through, menacing. Sometimes, as a sudden impulse or as the result of a loose valve, it releases a furious steam jet, straight away contained. At all costs, it dives, looking for an escape, into each new pipe, finding a way, breathless, restless. Into each new junction, each new gut-like intersection. Still bulging, gathering from all its heights, the overloaded water rushes out.
Outside.
Outside four gaping mouths, barred mouths. Four giant grey pipes, bending their heads to the ground, throw up their burning water, in a dreadful fog of overexcited steam. Outside. Towards the lake. Into the lake — here artificially restructured, covered in concrete, converted into a cooling pond.
The smoking frozen lake, suddenly heated up which is called Imandra.
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— Kola NPP
— VVER
440/230 — Centrale
1973
De ses membres et de son centre partent des méandres. Partout, les hommes ont tiré des câbles, par dix raccordés, en grosses gaines, rubans de réglisse noirs le long de ses couloirs. Sur les équerres aiguës frôlant le plafond, écheveaux électriques, blocs-tensions, convertisseurs, phases qui la ceinturent, qui transpercent ses murs, franchissent armoires et relais, passent le béton. Son alimentation et son réseau nerveux, ces câbles. Nerveux, son réseau. À cela superposé, son système sanguin. Les veines extractrices qui délestent son cœur enflammé de ses trop hautes chaleurs. Au départ de tout, modérateur et consolant, son écrin liquide, pressurisé en bain de béton : le tourbillon d’eau fraîche — d’eau fraîche mais captive — qui entoure chacune de ses quatre fournaises d’enfer pour l’hydrater, l’apaiser, la soigner, l’adoucir. La ramener au seuil technique des températures raisonnables. Protéger sa fission.
Puis des pompes s’activent. Pour expulser, expectorer le liquide supposé contaminé maintenant, également malade, à son tour suspect de haute thermie. Des valves s’ouvrent sur les gouffres noirs de canalisations verticales. D’insondables trous, circuits secondaires détendeurs. Sans choix, l’eau bouillonnante s’y précipite ; parcourt, cinétique, coudes et couloirs, turbines hurlantes, à fond de vitesse. Siffle sur son passage, menaçante. Provoque parfois çà ou là, sous l’humeur de l’instant ou d’une vanne moins serrée, un jet de vapeur colérique, immédiatement contenu. À toute force s’engouffre. Cherche fuite. Dans chaque nouvelle conduite trouve chemin, sans souffle, sans repos. Dans chaque nouvelle bifurcation, chaque confluent de boyau. Toujours grossissante, se rassemblant, venue de toutes ses hauteurs, l’eau surchargée accourt vers dehors.
Dehors.
Dehors, quatre gueules béantes, bouches grillagées. Quatre conduites géantes grises coudées, tête vers le sol, vomissent dans un brouillard de vapeur surexcitée effrayant leur eau brûlante à l’extérieur. Vers le lac. Dans le lac — ici artificiellement réaménagé, bétonné, agencé en bassin de rétention.
La lac glacé fumant brutalement réchauffé et qui se nomme Imandra.
From its limbs and centre, it’s all twists and turns. Everywhere men have drawn cables, in bundles of ten, inside big sheaths, like long strips of liquorice along its corridors. On the acute brackets just below the ceiling, entangled wires, voltage blocks, converters, phases around it, through its walls, across cabinets and relays, through concrete. These cables are its supply and its nervous network. Quite nervous, its network.
On top of this, its blood system. The arteries extracting from its burning heart the burden of its extreme heat. At the start of everything, to temper and comfort, its liquid case pressurized in a bath of concrete: the whirling fresh water — fresh but captive water — surrounding each of its four infernal furnaces to moisturise, soothe, heal and soften. To bring it back to the technical threshold for acceptable temperatures. To protect its fission.
Then pumps go into action. To expel, cough up the now supposedly contaminated liquid, diseased as well, in his turn suspected of high temperature. Valves open onto the black chasms of vertical pipes. Unfathomable pits, pressure regulating secondary circuits. No other choice for the seething water but to rush into them; it kinetically travels along bends and corridors, wailing turbines, at full speed. Hissing as it passes through, menacing. Sometimes, as a sudden impulse or as the result of a loose valve, it releases a furious steam jet, straight away contained. At all costs, it dives, looking for an escape, into each new pipe, finding a way, breathless, restless. Into each new junction, each new gut-like intersection. Still bulging, gathering from all its heights, the overloaded water rushes out.
Outside.
Outside four gaping mouths, barred mouths. Four giant grey pipes, bending their heads to the ground, throw up their burning water, in a dreadful fog of overexcited steam. Outside. Towards the lake. Into the lake — here artificially restructured, covered in concrete, converted into a cooling pond.
The smoking frozen lake, suddenly heated up which is called Imandra.